Me Swanson présente le style Li

C’est dans les années 30 que les arts taoïstes de la famille Li trouvèrent le chemin de l’Europe. Li Kam Chan, héritier de la tradition Li et originaire de Weihai (province chinoise du Shandong) commença à cette époque à transmettre son savoir à un petit groupe londonien. Il enseignait le feng shou (kung fu), le shuai jiao (lutte chinoise) et le taichi chuan.

A la mort de Li Kam Chan en 1954 son fils adoptif Chee Soo prit la relève de la Tradition. Il fonda en 1958 l’Association britannique de Wushu (British Wu Shu Organisation) et fut ensuite co-fondateur de ce qui est aujourd’hui la Fédération
britannique des arts martiaux chinois (BCCMA).

« Des recherches ont été faites depuis plusieurs années, en marge des récits de Li Kam Chan afin d’en savoir plus sur les origines de la Tradition Li.
Un expert reconnu à Beijing, capable de dater les formes de par la structure de leurs mouvements, a évalué à plusieurs centaines d’années l’âge de certaines formes Li de feng shou.  La trace écrite la plus ancienne de l’enchaînement dénommé la « forme » du taichi a été relevée en 1860. Nous ne savons pas avec certitude quand elle est exactement apparue, mais les formes du qigong du Style Li et tout particulièrement le kai  men ont une origine très ancienne » explique Tony Swanson, président de la BCCMA (Fédération britannique des arts martiaux chinois).

Les 8 Fils de brocart
Le taichi chuan de la famille Li est une partie d’une tradition taoïste riche qui, outre les arts du mouvement et du combat, comprend aussi des arts thérapeutiques et spirituels ; ceux-ci dénommés les Traditions des 8 Fils de Brocart ont un contenu très étendu allant des techniques de diagnostic taoïste, de diététique, de phytothérapie, de thérapie par la chaleur, de massages taoïstes (tuina / anmo), d’acupuncture et acupressure, à la méditation et au cheminement spirituel.

Pouvez vous nous expliquer, Tony Swanson, l’organisation de système Li, de l’Ecole Li, en quelque sorte ?
« Les arts du mouvement du système Li sont scindés en deux catégories, les arts martiaux et les arts thérapeutiques. Outre le taichi chuan, les arts martiaux se composent du feng shou, « la main du Vent » ou kung fu du Style Li, et le chi shu, le chemin montant, l’art des projections. Les arts thérapeutiques consistent en deux sortes de qigong appelés tao yin et kai men.

Le taichi chuan, art martial mais aussi méditation , est aujourd’hui dans le système Li la voie habituelle pour apprendre les principes externes et internes.
Renforcer le qi dans l’équilibre interne et externe est la base de l’action sur la santé et la base du développement spirituel.

Les 8 énergies, les 5 attitudes, l’évolution à partir du centre et toutes les autres caractéristiques du taichi chuan s’expriment aussi dans les enchaînements du style Li : parmi ceux-ci  on trouve deux formes à mains nues, tai chi fei shou  chuan  ou enchaînement des « Mains qui volent » qui contient des éléments évidents des feng shou et chi shu et la « forme » du taichi chuan elle –même ; cette dernière est constituée de 42 séquences soit 140 mouvements ; les 15 premières séquences sont appelées la « petite forme » ou « forme courte » :  ces 50 premiers mouvements permettent de travailler l’équilibre  et la structure corporelle ; «  l’accord entre les 3 harmonies corporelles : hanches-épaules / genoux-coudes  / pieds-mains ainsi que le travail de base du déplacement y sont prépondérants….  précise Tony Swanson.Dans les séquences suivantes (forme complète) sont requises des liaisons plus dynamiques, nécessitant un déplacement parfaitement coordonné des articulations (épaule et hanche, coude et genou, poignet et cheville). Les mouvements sont plus clairement menés à partir du centre interne, ils développent plus d’énergie, à chaque fois associée à des points précis du corps.
La « forme » commence et se termine au même endroit et on s’éloigne très peu de ce point pendant qu’on évolue. C’est ainsi que le taichi du style Li est parfois nommé « taichi du mètre carré », ce qui est très pratique lorsqu’on dispose d’une place réduite pour pratiquer ! »

Quelle différence faites-vous  entre le taichi chuan et le kung fu que vous enseignez ?
Le feng shou kung fu a pour base les mêmes principes de déplacement. Toutefois, tandis qu’en taichi la puissance est toujours fluide et égale, elle s’exprime plus nettement en feng shou, notamment à la fin d’un mouvement tel un fouet, souple et flexible et capable ainsi de déployer une force énorme. Les postures en feng shou sont plus grandes afin de combler la distance avec le partenaire, on s’y entraîne aux coups de pied et aux sauts. En feng shou on trouve des formes à main nue et avec armes, du travail d’évasion et des exercices en duo.

Intégrez-vous des projections ?
Nous avons en effet le chi shu, « l’art des projections », qui combine des techniques de prises et de lutte chinoise. Il s’agit de contrôler le partenaire soit par un contact rapproché en utilisant des saisies, la pression de points vitaux, des projections sur les hanches ainsi que des balayages , ou encore à distance grâce à des techniques de levier sur articulations et de projections. Lors de l’entraînement, différents exercices de roulades, et d’enchaînements aux mouvements explosifs et  pénétrants  sont utilisés. Le chi shu est la discipline la plus exigeante, un condensé et une prolongation du taichi chuan et du feng shou. »

Vous pratiquez aussi différents qigong ?
« Ces exercices de kai men qigong , appelé aussi yoga taoïste, sont au nombre de 400 ; ils sont organisés en différents thèmes et niveaux de difficulté ; travaillant d’abord sur l’ouverture des articulations, le tonus musculaire et la structure corporelle dans chaque posture, ces exercices  permettent d’entrer dans les couches internes profondes du corps. Les kai men, que l’on traduit par « Ouvrir les portes », aident à stimuler et harmoniser la circulation de l’énergie. »

Le tao yin qigong, lui, est constitué d’environ 200 exercices et agit plutôt sur les organes internes ; beaucoup de ces exercices s’appliquent à des problèmes spécifiques de santé ; ils portent des noms poétiques qui animent ainsi le corps et l’esprit et éveillent les émotions. La focalisation sur une image mentale renforce l’effet de l’exercice.

Quel est le but de la méditation taoïste ?
« La méditation taoïste, moxiang,  pratiquée en silence et sans mouvement a pour but la prise de conscience et l’amélioration de la conduite du souffle. Les aptitudes que l’on cultive dans ces exercices s’intègrent d’une part dans les exercices corporels et mènent d’autre part au vaste monde de la méditation taoïste.
Afin de ne pas endommager le corps et l’esprit, un équilibre émotionnel et une bonne dose d’énergie interne sont nécessaires, des bases que l’on peut asseoir grâce au taichi chuan et au qigong ».

La pratique du taichi chuan style Li
Les exercices de kai men et de TAO YIN sont courts, pratiqués de façon équilibrée à droite et à gauche et font travailler des postures particulières tandis que la fluidité et la complexité des mouvements tissent la toile de fond de la Forme du TAI CHI CHUAN et des exercices préparatoires. Des postures bien construites et stables en sont les bases. Etant donné que dans la Forme l’ensemble du corps est en mouvement perpétuel, il semble difficile au début de trouver la stabilité.
C’est là que le tao yin et surtout le kai men avec ses postures fixes sont des aides précieuses.

Quel type de « pas » et de postures privilégiez-vous ?
« Dans le système Li la largeur et la longueur des postures sont adaptées à chaque pratiquant et à son schéma corporel, la largeur intérieure des hanches servant de mesure. Dans la forme Li du taichi chuan on commence avec une posture de base moyenne. Le haut du corps est naturellement positionné (quelque part entre le style Yang et le style Wu)

Tandis que l’on pratique tout d’abord la Forme afin de sentir avec le corps le taichi et son jeu alterné continuel de yin et de yang, celle-ci prend par la suite une autre signification.
L’association aux  5 Eléments (wuxing) est une façon plus nuancée de prendre en compte les énergies pour chaque enchaînement  : Les « mains qui volent », avec ses mouvements circulaires jaillissant du centre correspondent ainsi à la forme de la Terre, l’épée correspond au Métal tandis que l’Eau s’exprime de façon évidente dans la forme de la Soie, douce et fluide ; l’enchaînement du bâton représente le Bois ; la Forme du taichi chuan elle, est liée à l’élément Feu en raison de sa dynamique en accord avec la respiration. »

Bien évidemment, vous enseignez aussi le travail avec partenaire…
« Ce travail est un élément essentiel de l’apprentissage, le partenaire aidant à la perception : la posture peut être ainsi en permanence testée objectivement et corrigée par l’autre.
A ce travail préparatoire succèdent ensuite les exercices de taichi à deux : il
s’agit là de prendre conscience du contact permanent avec le partenaire puis de
l’exercice d’une pression ; les « mains collantes » ou i fu shou correspondent à ce que d’autres styles nomment « poussées des mains » ou tuishou. Avec i fu shou on exerce en tout premier lieu les applications martiales de la Forme du taichi et leurs principes de déplacement. »

Le style Li présente une particularité : les mains tourbillonnantes (lun shou) et les bras tourbillonnants (lun pei), expliquez nous un peu…
« Ce sont deux variantes de mouvements du corps tout entier, dont le principe est la rotation continue et le mouvement centrifuge. Le but, bloquer le partenaire avec le mouvement des mains et lui faire rompre sa posture équilibrée, requiert des capacités importantes à faire interagir les articulations des bras et des jambes. Dans les bras qui tourbillonnent , le déploiement de la force centrifuge qui part du centre et s’exprime jusqu’au bout des doigts, est encore plus net. Ce tournoiement vers l’extérieur forme comme une protection et ferme l’espace intérieur contre  l’attaquant
Tous ces exercices se pratiquent à pas fixes et par la suite à pas mobiles. »

Le style Li aujourd’hui
Les principaux maîtres du style Li dans sa forme traditionnelle sont aujourd’hui
Lavinia Soo, la fille de Chee Soo, et Tony Swanson, l’un des plus proches élèves de celui-ci pendant 26 ans.
En Grande-Bretagne où les arts martiaux chinois sont très populaires, une
collaboration fructueuse entre les différents arts et les différents styles a permis d’établir des normes dans le taichi chuan ; les écoles de Lavinia Soo (Wu Kung federation) et de Tony Swanson (Taoist Arts organisation) jouissent d’une grande réputation par l’étendue de leur savoir et la  qualité de leur enseignement.
Tony Swanson est aujourd’hui président de la BCCMA (fédération britannique des arts martiaux chinois).
La mission de Tony Swanson  et de TAO est de transmettre et rendre accessible le Style Li dans sa tradition, dans son intégralité et sa richesse. Plusieurs enseignants et écoles en Grande-Bretagne, en Allemagne comme en France participent activement à ce projet par leur engagement permanent, continuant à se former régulièrement auprès de Maître Swanson.

Interview de Tony Swanson par Hubert Schneider ( Vice-président de T.A.O. International)
Traduit par C. Marcos (TAO en France)

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